Si les montagnes des Alpes sont restées aussi peuplées jusqu’à l’orée du XXe siècle, alors que les contraintes géo-climatiques y étaient si pesantes, c’est grâce à l’existence d’un système migratoire bien rodé allant de pair avec une pluriactivité née de l’usage de la pente et des changements d’altitude au fil des saisons.
Comme le dit, avec humour, l’anthropologue turinois Pier Paolo Viazzo, les Alpins ont toujours eu une « double vie », situation qui a généré une forme très originale d’organisation socio-économique tenant compte de la topographie et de la saisonnalité des régions alpines. Dans les hautes vallées, seulement 10% du territoire est cultivable. D’où l’adoption de techniques de production qui allient une agriculture de faible rendement à l’élevage de bovins, ovins et caprins générant des produits (peaux, laine, fromages, viande) et des revenus financiers plus lucratifs.
Ce système engendra une vie rythmée par la mobilité saisonnière des animaux (la transhumance) et d’une partie de la population qui partageait son temps entre villages dans les vallées, prés de fauche, et hauts pâturages. L’organisation socio-économique des communautés alpines fut ainsi une des formes les plus abouties d’adaptation aux contraintes imposées par l’environnement où pluriactivité et mobilité furent des stratégies décisives.
Dans les Alpes, la pluriactivité est séculaire. Durant l’hiver, longue période de saison morte, les éleveurs paysans exerçaient des métiers saisonniers, parfois très loin de chez eux, en complément des revenus limités de leur activité agropastorale. Ils partaient à l’automne et rentraient chez eux à la fin du printemps, au moment de la reprise des activités agricoles. Bûcherons, faucheurs, bergers, maçons, tisserands, artisans (bois, peaux), commerçants en tissus et produits laitiers (se déplaçant de foire en foire), colporteurs de livres, graines, beurre et étoffes, sans oublier les célèbres instituteurs du Queyras qui nous rappellent que les populations alpines étaient particulièrement en avance sur les autres régions françaises en matière d’alphabétisation : savoir lire, écrire, compter était nécessaire à l’exercice d’une activité commerciale. Beaucoup multiplièrent les métiers au cours de leur vie, alternant migrations saisonnières et migrations temporaires de longue durée (plusieurs années) qui débouchaient parfois sur des installations définitives.
Dès le début de l’essor industriel des vallées des Alpes, les paysans-éleveurs descendirent travailler à l’usine, occupation qui supplanta – sans toutefois l’annuler – l’émigration temporaire hivernale. Le phénomène atteint son maximum dans les années 1950-1970, amplifié par la dégradation du niveau de vie des populations paysannes. Depuis les années 1990, à l’issue des années de crise qui toucha l’industrie dans les Alpes, les agriculteurs se tournent vers le développement du tourisme en montagne. Cette nouvelle activité s’adapte bien au rythme saisonnier des montagnards qui travaillent en station (moniteurs de ski, perchmans, pisteurs, conducteurs d’engins de damage ou de déneigement, commerçants, hôteliers, restaurateurs, etc.). L’économie touristique, qui a permis aux Alpins de se sédentariser, génère aussi d’importantes migrations de main-d’œuvre saisonnière montant des plaines et une pluriactivité renouvelée, tissée d’activités innovantes et de nouvelles formes de solidarité.
A Orcières, depuis la création de la station, les agriculteurs sont également moniteurs de ski l'hiver. Sébastien Rouit nous parle de son expérience.<br />
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Résumé<br />
Il y a cinquante ans, dans les Hautes Alpes, sur la commune d'Orcières, aux portes du Parc National des Ecrins, naissait Orcières 1850. La station de ski permit à la population de rester au pays, offrant aux hommes et aux femmes une pluriactivité en synergie avec leur territoire (moniteur, pisteur, agriculteur, éleveur...). La station a su s'adapter et évoluer au fil des années pour proposer une nouvelle offre allant dans le sens de la diversité mais aussi dans le sens de la qualité. Depuis cinquante ans, Orcières 1850 a accueilli des millions d'amoureux de la montagne et reste résolument tournée vers l'avenir.
- Année
- 2012
- Producteur
- ACTHYS PRODUCTION
- Réalisateur(s)
- Christophe ROSANVALLON, Gilles CHARENSOL
- Cameraman
- Christophe ROSANVALLON